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Re: carton a trouville

Objet : Re: carton a trouville
par herveprorider sur 06-12-2007 10:16:15

hello ;

je vais faire référence au titre du post et ainsi relancé la prévention quant au baston l'hivers :

titre "carton a Trouville"

avec Sylavin, on en a vécu un carton à  trouville, et heureusement c'était en juin et il faisait chaud.

ci dessous : les tofs prisent par moi avec le crash (c'est Sylvain sur les tofs) + mon récit qui a été publié dans planche mag.

bonne lecture

NATURE HOSTILE

Peu de vent depuis début mai sur la Normandie. Une ou deux sessions, guère plus. Et mon ami Sylvain qui n'a de cesse, chaque matin, de scruter tous les sites météos du monde dans l'attente d'un bon coup de vent. Pouvoir essayer sa toute nouvelle planche de wave riding radical semble être son unique obsession.
Et c'est lundi 21 juin que ce dernier, plein d'enthousiasme, m'apprend qu'un coup de baston va rentrer sur la côte atlantique mercredi. Quelques analyses de cartes météos plus tard, c'est parti, nous posons un jour de congé afin de pouvoir profiter de cette belle dépression. Un troisième laron, Seb, sera aussi du voyage.

Pas de soucis, le vent de sud-ouest est bien là , la voiture faisant régulièrement des écarts, prise dans les rafales entre Paris et la Normandie.
Première difficulté, trouver le bon spot. D'abord Le Havre ; mais le vent trop off-shore ne nous motive pas trop. Puis Antifer (ou « les Portes de l'Enfer ») : deux gars se mettent à  l'eau. A peine dix minutes, et déjà  une planche rentre seul au bord suivit quelques instants plus tard par son cavalier. Un colosse de bien 85 Kg. Je vais au renseignement ; voici ces mots : « c'est l'horreur ! à‡a ferme de partout ! C'est la loterie ! »
Avec 3 à  5 mètres de vagues qui ne cessent d'avancer vers la plage en séries infinies, nous rebroussons chemin et choisissons la sécurité, un spot de repli normalement pas dangereux : Trouville.
Mais hier, ce fut un grand Trouville qui s'est offert à  nous. La mer est déchaînée, le vent souffle à  30-35 nœuds. La décision est vite prise : nous choisissons tous de gréer nos 4 m², soit nos plus petites voiles.

Contrairement à  d'habitude : je suis prêt le premier et donc je suis à  l'eau aussi le premier. Et déjà  j'abat (pour ne pas dire, je fuis) comme un fou afin de ne pas me faire croquer dès le départ par le mur dl'eau qui se dresse devant moi. Un aller-retour afin de se rendre compte des réglages à  effectuer, je règle et je reparsé¦.pour l'enfer.
La mer est à  force 7, entre 30 et 40 nœuds et des vagues de 2 à  4 mètres. Avec mes 60 kg tout mouillé, je suis surtoilé en 4m² !!
Très rapidement, je me rends compte que la puissance du vent est encore montée d'un cran. C'est de la navigation en « survie » comme on a l'habitude d'appeler ce type de condition. Et ça n'a pas loupé ! Un peu au large, tout d'un coup, la violence du vent m'éjecte de ma planche. Rien d'extraordinaire me direz-vous. Sauf que ce mercredi 23 juin 2004, il m'a été impossible de repartir. Impossible de pratiquer le waterstart. Le vent est d'une violence inouï, il arrache la voile de mes mains à  chaque tentative. Les vagues cassent au dessus de moi. Vent, vague et courant entraînent mon matériel, m'obligeant à  quelques sprints en natation pour le rattraper. Dans ce cas, rester sur son matériel reste la meilleur solution : au moins je flotte. J'ai tenté waterstart sur waterstart, m'octroyant quelques périodes de « ré-énergisation » assis sur ma planche, en vain ! Inexorablement, je dérive. Et forcément, pas vers la plage mais droit vers la digue du club nautique de Trouville. Plus je m'approche, plus la taille des vagues augmente. Mais pas de panique, juste de la concentration, tous les sens en éveille afin de réagir au moindre danger. Toujours ces warterstart qui ne passent pas, quand enfin, yes ! j'arrive à  me hisser debout sur ma planche après presque ½ heure de brassage en règle. Mais il est trop tard. Abattre équivaut à  foncer droit sur la digue. Faire du près serré est la seule solution, mais dans 40 à  50 nœuds de vents (vitesses du vent officialisé par l'ami Fred de la FIN (grand organisateur de la Fête du Nautisme)), avec des vagues déferlantes de 3-4 mètres et un violent courant, c'est impossible. Mon près, parallèle à  la digue n'a pas duré longtemps. Trop près des rocks, j'abandonne mon matériel, sachant que par cet acte, je l'envoie directement à  la morgue. Mais l'important à  ce moment là  : c'est moi et moi seul. Il faut sauvé le bonhomme.
Seule ma tête sort de l'eau et je regarde vers le large, toujours concentré et sans panique. D'énormes vagues lèvent devant moi alors que derrière, la massive digue de béton fait face, précédée par d'acerbes rochers noirs qui ne font pas envie. Au bord de la digue, une première grosse vague lève et je crains qu'elle ne me jette, telle une algue, sur la masse de béton. Aussi je plonge, profond, afin de lui passer dessous et d'éviter ce à  quoi je n'ai pas pensé pendant tout ce temps : l'accident grave. Ce monstre passé, je nage énergiquement vers les rocks afin de grimper sur la digue. Une fois sur les rochers, de l'eau à  la poitrine, un premier ressac me fait lâcher prise et me renvoie dans la bouillard pour me rejeter quelques secondes plus tard sur les blocs. Ce coup ci j'attrape un rocher et le serre fort, afin que le ressac ne m'enlève pas une seconde fois. Puis je me presse pour passer de rock en rock (tout en essayant de ne pas me tordre ou briser cheville, genou, jambe ou bras) vers la pente bétonnée que forme la digue. Pieds et mains en sang, maltraités par les rochers, je parviens enfin en semi sécurité sur la pente (heureusement peu glissante car sans algue (coup de pot !!)) de la digue. Enfin, la mer ne me touche plus. Quelques secondes pour reprendre mes esprits et me rendre compte que tout va bien, puis je vois mon matériel se faire massacrer dans le ressac sur les rochers et je me précipite pour l'en extirper (et tout ceci par plus de 40 nœuds de vent !!) Après avoir quelque peu lutté puis avec l'aide de mes amis venu à  la rescousse ainsi que deux moniteurs du club de voile de Trouville (merci à  eux, ça m'a fait chaud au cœur de voir du monde), j'extirpe enfin ma planche, mon gréement, puis moi, de cette démoniaque digue.

Conclusion, mon matériel est dans un sale état : trois gros trous sur la carène de ma planche, fourreau de voile et grip de wishbone déchiquetés, panneau de monofilm et bout de harnais arrachés, aileron et mat rabotés. Mais ça a tenu, rien n'est cassé en deux, tout est plus ou moins réparable. Quant au bonhomme, il s'en sort vraiment bien, juste de nombreuses coupures sur les pieds et les mains.
Au dire des moniteurs du club, il n'y avait rien à  faire. J'ai été pris par le vent qui s'est levé d'un coup très fort (plus de 100 Km/h), levant une mer déchaînée.

Pourquoi je m'en sors si bien ?
Premièrement parce que j'ai eu de la chance, et deuxièmement parce que la chance, ça se travaille. Je veux dire par là  que j'étais en pleine forme physique (en outre, il faisait doux et c'était en début de session) et j'ai de l'expérience. Ce qui m'a permis de ne pas paniquer et de rester concentré sur ce qui se passait autour de moi, parer tout danger, et anticiper. Lorsque je ne pouvais plus faire autre chose que d'embrasser la digue, je ne l'ai pas refusée, je me suis dis : « je vais monter sur la digue, il n'y a que ça à  faire et je vais y arriver ». Je pense que si je ne m'étais pas dit ça, si j'étais resté passif, la mer m'aurait jeté comme un vulgaire bout de bois sur les rochers. La pratique du surf est sans doute aussi un bon point car j'ai été ballotté dans les vagues tout en sachant me placer par rapport à  elles et sans panique.

S'il faut en retenir quelque chose, c'est :
- être actif, dynamique face au danger
- ne pas paniquer
- connaître ses limites, ne pas surévaluer son niveau par rapport aux conditions météos

La mer m'a laissé passer ce coup ci ; j'ai vraiment eu de la chance. Tout le monde n'en a pas eu. Ce même jour, à  Wissant, un windsurfer luxembourgeois de 45 ans a été retrouvé sans vie.

« Dans les sports extrêmes, il ne faut pas compter sur la chance, mais surtout, il ne faut pas avoir de malchance. » (Citation de Sylvain Sedan, pionnier du ski extrême dans les années 60)