Re: Honte |
Objet : Re: Honte par VJM sur 12-10-2007 19:23:36 Humanisme justice Justice, ce qui est juste Morale Droit Loi Devoir Honneur Dignité Aucunes de ces notions ne sont identiques. Il n'est peut être pas utile de revenir sur leur sens car cela permet peut être de sortir des considérations simplistes. Désolé pour les poncifsé¦ ;) Humanisme : mouvement intellectuel européen de la Renaissance, caractérisé par un effort pour relever la dignité de l'esprit humain et le mettre en valeur. Il nous en reste le respect de l'Autre et le sentiment qu'on ne peut pas être digne qu'on dénie la dignité à l'Autre. justice : ce mot est incroyablement vaste. justice avec une minuscule sera notre institution, corps constitué de juges, avocats et d'un code appelé loi. La justice est l'organe de la nation qui dit le droit. Droit : interprétation de la loi par la justice Loi : ensemble de règles édictées par un état ou un groupe de personne visant à régler son fonctionnement interne Justice, ce qui est juste : c'est notre perception subjective de ce qui est bien. Elle est à la fois personnelle et globale. Une société peut avoir une idée, subjective, de ce qui est bien. Cette idée du bien est souvent confondue avec la morale. La Justice est distincte de la justice et même peut en être diamétralement opposée. La justice dit le droit et non la Justice. Archétypes d'exemples : la justice peut décider d'expulser un pauvre de chez lui et de vendre ses biens par ce qu'un usurier a su abuser de lui. La justice peut ordonner l'emprisonnement d'une personne qui l'aurait selon elle insultée ou qui aurait manqué de respect à l'un de ses représentants alors que ce dernier abuserait de sa position de pouvoir. Il est par exemple très difficile de critiquer le roi du Maroc quand on est marocain. Morale : préceptes sensés régir la vie des individus dans une société. Ceux-ci ne sont pas forcément justes. La société de castes est un exemple de construction morale qui bafoue la notion de justice. D'une manière générale, la morale peut être un instrument pour brider la contestation dans toute ou partie d'une société. La justice n'est pas forcément la traduction de la morale car la justice ne fait dire que le droit et la loi dont elle dérive n'est pas toujours le fait de gens morauxé¦ Devoir : ce qui s'impose aux hommes. Les militaires et les policiers sont des hommes de devoir. Ce devoir est souvent une abdication de la liberté au motif qu'une société ne peut vivre sans règle. Ce devoir est héroïque quand l'homme de devoir se sacrifie, littéralement ou non, pour sauver ou protéger les personnes qui constituent la société. Ce devoir est une honte quand il amène des hommes à faire «la corvée de bois» ou à pratiquer la torture. Honneur : Fait de mériter la considération, l'estime (des autres et de soi-même) sur le plan moral et selon les valeurs de la société. L'honneur est donc soumis à la double subjectivité de la société et de l'individu. Dignité : Respect que mérite quelqu'un. Ainsi donc, ni la loi, ni la justice ne sont obligatoirement justes. Un homme de loi, juge ou policier, se doit d'appliquer la loi mais si sa conviction est de faire ce métier au nom de principes qui permettent aux individus de sa société de vivre dignement, n'est-il pas de son devoir de refuser une loi dont les conséquences amènent à la négation de la dignité humaine à La réponse à cette question ne peut être que personnelle et contextuelle. Ce dont je suis sûr, c'est que dire «c'est la loi..» est simpliste. En tant que professeur d'université, je me refuserai à appliquer une loi qui voudrait m'obliger à exclure de mes cours des étudiants en situation irrégulière. Je m'élèverai aussi contre une intervention policière dans mon amphi qui aurait ce motif. L'Université est un lieu de savoir et le partage de la connaissance est une mission bien plus importante que l'arrestation d'un étudiant sans papier. En tant qu'homme, je ne pourrai pas rester muet si je devais être le témoin de violence policière. Non pas que je m'élève contre la police par principe mais au contraire par ce que je me fais une haute idée de la fonction policière dans un état de droit qui défend les valeurs universelles des droits de l'homme. Aussi, je suis de tout cœur avec les personnes qui se sont verbalement révoltées contre les policiers qui dans un avion ont maîtrisé un expulsé de façon extrêmement violente. J'ai parfaitement conscience que ma situation est infiniment plus confortable que celle d'un policier qui doit arrêter une personne sur commission rogatoire et qui en outre est peut être lui-même sujet de violence verbale voir même physique. Il n'en demeure pas moins que ce policier, ce juge qui ordonne, ne peut pas se décharger de son devoir d'homme au motif que la loi les y oblige. Les crimes d'états, les décisions iniques, les crimes contre l'humanité, tout cela a été fait le plus souvent dans le respect de loi et au nom du devoir. A petite ou grande échelle, l'homme de devoir social ne peut pas abdiquer son libre arbitre sauf à prétendre n'être qu'un rouage et perdre ainsi et son humanité, et sa dignité. Dans le cas particulier des sans-papiers que la police a été ordonnée d'arrêter, je n'écarte bien sûr pas la possibilité que cette arrestation soit fondée au regard de la morale ou même de la Justice. Mais dans ce cas où l'ordre est justifié, rien n'excuse l'absence d'humanité dans le traitement de cet ordre. Arrêter un enfant de 7 ans à l'école est pour moi un acte barbare. Rien ne le justifie. S'il fallait arrêter un enfant de 7 ans, rien que ces mots sonnent comme une absurdité, rien n'empêchait d'attendre que l'école fut finie et que l'enfant f»t pris en charge par des personnes en civil et prévenantes. Lui a-t-on mis les menottes à A quand les files de sans papier raflés et entravés par des chaines à Oui, arrêter un enfant à l'école est profondément choquant. Que ceci soit possible est le signe que notre société dérive vers quelque chose qui me déplait profondément. Respecter les autres, c'est sauvegarder notre dignité. Sans dignité, pas d'honneur qui vaille. Quand je parlais de l'humiliation que subissent les étrangers à la préfecture, je pensais à toutes ces innombrables tracasseries et vilénies intentionnelles que mes collègues et amis étrangers y ont subies. Racisme ordinaire, volonté de décourager les émigrants par des pertes renouvelées de papiers déposés, attente interminable, c'est plus qu'un parcours du combattant. Et pourtant les collègues, ils sont docteur es-mathématiquesé¦ Bref, ce qui me fait honte, c'est de constater la perte de notre humanité. Maintenant, pour l'émigration, chance ou saturation, c'est un autre problème et j'ai déjà été assez long comme ça. PS pour Bernard : Salambo, Carthage sont autant de métaphores intéressantes qui stigmatisent la société bourgeoise et ses travers. |